Montag, Dezember 26, 2011

La construction de l’image du corps de l’élite égyptienne à l’époque amarnienne


La construction de l'image du corps de l'élite égyptienne à l'époque amarnienne

The formulation of body image for the Egyptian elite in the Amarna period
C. Spieser et P. Sprumont

Résumés

The formulation of body image for the Egyptian elite in the Amarna period

Several diseases were hypothetized to explain the uncommon aspect of Akhenaten in his artistic representations, without taking in consideration the stylistic, historical, anthropological and medical data, which, in turn, allowed to contradict them. The most recent of these hypotheses concerned the Marfan syndrome. There are indeed some indications that the king suffered from hyperlaxity of the ligaments, a symptom frequently encountered in the Marfan symptomatology, but also existing as an isolated form. The authors also examined the various hypotheses made about the elongated skulls present in the sculptured heads of the princesses. The shape complexity going from stylisation to personalisation including some degree of anatomical realism was analysed and evaluated. Based upon several marks present on the sculptures, the authors do not exclude the possibility of a deformation practice operated on the persons having served as models. They also take into account the anthropological elements available, including the skulls of Smenkhkare and Tutankhamun. They eventually mention the ideological and theological context surrounding these representations.

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Texte intégral

1L'image que l'on veut donner de son corps ne laisse aucune société humaine indifférente, et ceci dès la plus haute Antiquité. Il s'agit avant tout de le rendre acceptable au sein d'une société, de prôner certaines valeurs et donc de le transformer en conséquence. Différents moyens permettent d'atteindre ce but : la parure par les vêtements, la coiffure, les bijoux, les tatouages, mais encore sa transformation par une action violente comme la déformation de la tête, du cou ou des membres réalisée au moment de la croissance, voire l'ablation de certaines parties (Borel 1992). De plus, la représentation artistique permet, elle aussi, de donner une image plus ou mois éloignée de la réalité, reflétant des intentions particulières. Nous allons évoquer ces questions dans le cadre de la « révolution amarnienne », une époque située au Nouvel Empire (1353-1336 av. J.-C.), où la quête de légitimité du pouvoir royal va de pair avec de nombreux bouleversements d'ordre économique, social et religieux.

2Après avoir rappelé le contexte artistique sur lequel se détache l'art amarnien, nous examinerons successi- vement d'abord comment peuvent s'interpréter les représentations d'Akhénaton, puis nous commenterons les portraits des princesses, pour terminer par quelques remarques sur les aspects idéologiques qui s'y rattachent. Nous nous proposons de montrer que, s'il faut bien distinguer les reliefs et les statues des personnes réelles, il est par contre permis de penser qu'une représentation n'est pas nécessairement d'ordre purement icono- graphique, mais possède avec la réalité des liens qui peuvent être analysés d'un point de vue anthropologique et médical. Il nous a semblé qu'une nouvelle approche interdisciplinaire permettrait de saisir ce qui échappe peut-être aux spécialistes d'un seul domaine.

L'IMAGE DU CORPS AVANT AMARNA

Cohabitation d'un art canonique et stylisé et d'un art individualisé

3La première question à se poser est celle du degré d'individualité que pouvait atteindre la représentation humaine égyptienne lorsqu'elle s'efforce de reproduire les traits réels d'un modèle – visage et corps –, par opposition à l'art canonique mesuré, empreint de symétrie, mais qui ne faisait que refléter une certaine idée de la nature, également présent dans l'art égyptien.

4Durant l'Ancien Empire, la statuaire privée montre des traits individualisés du visage qui relèvent plus d'une caractérisation que d'un véritable portrait. La personnalisation est obtenue par une précision des traits, volontairement limitée pour ne pas briser la clarté d'ensemble (Donadoni 1993 : 66), mais parfois de très grande qualité au point de saisir l'expression de la personne représentée 1. Il est bien connu que la ressemblance du visage jouait un rôle important dans l'art égyptien, qu'il s'agisse d'une production royale ou privée. À toutes les époques, les corps, par contre, sont en général relativement stéréotypés, à en juger par certaines statues ou encore par les enfilades de personnages dans les reliefs des processions funéraires qui semblent, souvent, tous se ressembler. De l'Ancien Empire au Nouvel Empire, un canon d'interprétation de la figure humaine était largement utilisé dans la représentation privée et royale et privilégiait le plus souvent, mais pas systématiquement, la caractérisation de la tête (Donadoni 1993) 2.

5Cependant, dès l'Ancien Empire, le corps pouvait aussi être figuré avec ses qualités individuelles : les traits particuliers du corps et de la masse pondérale du sheik el-Beled et du prince Hémiounou en témoignent, entre autres exemples (Saleh, Sourouzian 1986 ; Donadoni 1993) 3. Les nains aussi, dès l'Ancien Empire et jusqu'aux époques tardives, paraissent être figurés de manière si caractéristique dans les reliefs comme dans la statuaire, qu'il est possible de tenter d'établir une typologie médicale de leurs affections (Dasen 1993) 4. La jeunesse comme la vieillesse caractérisant corps et visage se rencontrent au milieu d'une production essentiellement dépourvue d'âge, mais il est un fait que l'on ne vieillissait pas beaucoup en Égypte ancienne (Saleh, Sourouzian 1986 ; Dunand, Lichtenberg 1998 ; Reeves 2001) 5. L'obésité, la gynécomastie masculine ne manquent pas d'exemples, à l'inverse la scène de famine montre des corps décharnés (Nunn 1996 : 20, 81-83) 6. Le corps infirme pouvait également être représenté (C. Reeves 2001) 7.

6La statuaire royale du Moyen Empire, néo-classique à ses débuts, suit le principe connu du corps géométrique et canonique associé à un visage plus ou moins caractérisé, reprenant les traits individualisés du visage dans ses grandes lignes pour privilégier l'harmonie d'ensemble. Cette caractérisation du visage s'accentue durant la 13e dynastie pour rendre explicite la physionomie du roi : les traits individualisés forment des portraits (Donadoni 1993 : 155-189). Les corps montrent une musculature puissante « canonique » qui demeure caractéristique, jusqu'au Nouvel Empire, d'une partie de la sculpture royale.

L'image du corps à l'époque d'Amenhotep III

7L'étude en détail de la sculpture de l'époque d'Amenhotep III a montré sa complexité stylistique en fonction de l'époque et du matériau employé (Kozloff, Bryan, Berman 1993 : 98 ff) 8. La physionomie donnée au visage du roi change selon que le roi est représenté dans sa jeunesse, sa maturité, à nouveau rajeuni après avoir fêté son premier jubilé royal, ou âgé dans des monuments posthumes (Vandersleyen 1988 ; Bothmer 1990 ; Mysliwiec 1990 ; Vandersleyen 1990 ; Johnson 1996). S'appuyant sur le Temple de Louxor, Johnson (1990) a démontré que l'art d'Amenhotep III se composait de trois grandes phases se succédant de manière chronologique : évoluant du style des prédécesseurs – relief plat, style hiéroglyphique du rendu des détails du visage – vers un style naturaliste confinant, dans la troisième phase, au « baroque » où le caractère naturaliste est accentué : le visage rajeuni du roi présente des yeux agrandis, un double menton, un petit nez, entre autres détails (Johnson 1990 : 26-46 ; Mysliwiec 1990) 9. Le corps du roi n'est pas exclu de cette tendance naturaliste de l'art (Johnson 1990 ; Vandersleyen 1990, n. 13). Celle-ci s'expliquerait, selon Mysliwiec, par la vénération particulière vouée à Maât, qui incarne, entre autres, la vérité (Mysliwiec 1990 : 16-17). Parmi les détails s'écartant de l'image « canonique » du corps et qui peuvent compter comme des traits caractéristiques du souverain, on relève, à maintes reprises, la corpulence donnée au corps du roi, en particulier la présence d'une couche graisseuse sur les muscles de la poitrine (Müller 1988 ; Vandersleyen 1990) 10, ainsi que des proportions particulières du corps : des jambes épaisses, des cuisses courtes par rapport à la longueur des jambes, des hanches assez larges et une taille haut placée (Müller 1988 ; Straus-Seeber 1990) 11. S'écartant des proportions canoniques géométriques, ces derniers détails devaient sans doute caractériser dans une certaine mesure l'aspect physique du roi (Müller 1988) 12. Une preuve de la corpulence du roi est peut-être fournie par sa momie : une couche de résine avait été appliquée sous la peau de la momie du roi, sans doute en remplacement de la graisse disparue au cours du processus de momification (Müller 1988 : 35) 13.

8Nous retrouvons les cuisses courtes, la taille haut placée et les hanches larges dans certaines représentations d'Akhénaton de la seconde phase : il semble, a priori, les avoir héritées de son père, mais nous ne pouvons l'affirmer avec certitude, ni vérifier dans quelle mesure ces proportions ont pu être exagérées, amplifiées 14. Ces traits supposés « royaux » furent adoptés comme conventions artistiques dans les stèles privées dès le règne d'Amenhotep III, lesquelles peuvent aussi présenter des personnages au corps étiré par allongement de la jambe et des fesses, ou par allongement du torse (Bryan 1990 : 80). De plus, la tendance générale au naturalisme se retrouve aussi dans la statuaire privée de l'époque d'Amenhotep III (Bryan 1990) 15. Ainsi, bien des traits stylistiques que l'on pensait être typiquement « amarniens » caractérisent déjà l'aspect donné à Amenhotep III puisqu'ils apparaissent dans de nombreux exemples de statues de ce roi, et même dans les représentations privées de personnages de son époque, avant de se trouver parmi les conventions artistiques amarniennes.

L'IMAGE DU CORPS À L'ÉPOQUE D'AMARNA

9L'art amarnien se divise, on le sait, en deux grandes phases : la première fait montre d'un degré d'exagération des formes naturelles rendues de manière schématique et qui confinent à la caricature (Mysliwiec 1990 : 22). Clairement présent dans les talatat de Karnak, ce style caricatural ou expressionniste des représentations du couple royal forme le point culminant d'une évolution de l'art naturaliste d'Amenhotep III 16. Constatons d'emblée que, d'une manière générale, dans les talatat de Karnak, ce style touche de manière moins spectaculaire les autres représentations humaines. Le couple royal est davantage caricaturé, volontairement exagéré dans ses aspects physiques, ce qui a eu pour effet le développement d'un nombre important d'hypothèses médicales. De plus, pour des raisons liées à la doctrine royale, en particulier l'idée de parité prônée par le roi, des détails du visage caricaturé du roi ont été reportés sur l'image de la reine 17.

10Mais ce fait ne dure qu'un temps réduit ; la reine retrouve des traits plus adoucis et individualisés dans la production artistique propre à Amarna 18. Quant à l'aspect des personnes de la cour royale et des serviteurs comme nous pouvons les observer postérieurement dans les reliefs amarniens de la « seconde phase » : corps étirés aux hanches élargies, tête allongée, ventre bedonnant, il demeure dans la ligne du nouvel élan artistique institué, mais dont les prémices étaient perceptibles sous Amenhotep III 19. De manière générale, la deuxième phase opère un net adoucissement des formes caricaturales qui avait été données au couple royal durant la « première phase », pour privilégier un certain réalisme. Mais quelle pouvait être la part d'individualité dans ce « réalisme » ? Les « masques » en plâtre des visages de la famille royale, longtemps pris pour des empreintes, montrent que cette quête de réalisme existe (Müller 1988 : 42-44). Ils nous permettent même d'observer l'évolution du degré de stylisation dans la statuaire royale amarnienne (Müller 1988 : 42-44). Les représentations s'appuient sur des modèles (plâtres et modèles vivants). Il y a eu observation de ces modèles, puis travail de stylisation, de clarification des formes aboutissant à un compromis entre sujet et représentation pour constituer une synthèse qui devait ressembler de manière idéalisée à la personne. Le résultat de ce compromis se devait d'être naturaliste et clairement individualisé. La statue Berlin 21.263 de la reine Néfertiti présente un corps marqué, en toute discrétion, des signes de l'âge : épaules voûtées, poitrine légèrement affaissée, et au niveau du visage, les joues manquent légèrement de fermeté (fig. 1) 20. La position du corps, la recherche de symétrie sont toujours sous-jacentes mais nettement moins marquées pour donner tout le naturel possible à la représentation. On peut conclure de ces exemples que visages et corps étaient individualisés, mais aussi partiellement stylisés pour une clarté de perception des traits, ce qui est traditionnel de l'art égyptien.

11Compte tenu de ces deux phases de l'art amarnien, passant d'une exagération des traits à un rendu plus naturaliste, quelles conclusions pouvons-nous légitimement tirer sur le rapport entre les représentations royales et l'aspect même des souverains ?

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Fig. 1 - Statuette de Néfertiti. Musée de Berlin, n° d'inventaire 21.263 (d'après Arnold 1996, fig. 68, 69).

Fig. 1—Statuette of Nefertiti. Museum of Berlin, inventory no.21.263 (from Arnold 1996, fig. 68, 69)

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Fig. 2 - Colosse d'Akhénaton. Musée du Caire, JE 55938 (d'après Freed et al. 1999, fig. 5).

Fig. 2—Colossus of Akhenaten. Museum of Cairo, JE 55938 (from Freed et al. 1999, fig. 5).

INTERPRÉTER L'IMAGE DU CORPS

12La première phase de l'art amarnien, compte tenu des caractéristiques que nous avons exposées, ne se prête que difficilement à des commentaires, en particulier, l'exemple régulièrement utilisé pour faire d'Akhénaton un malade : le fameux colosse « nu », tantôt pris pour Néfertiti, tantôt qualifié d'asexué (fig. 2) 21. Il est aisé de constater que l'ensemble des colosses du Gem-pa-Aton, le Temple de « Découvrir l'Aton », présente des silhouettes « féminisées » identiques 22, et ne se différencie que par les vêtements et accessoires. De plus, le fameux colosse «nu» garde encore la trace d'une barbe postiche. Or, on peut mettre fortement en doute le fait que Néfertiti ait porté une telle barbe 23. L'absence, lacunaire, de la barbe renforce l'impression de féminité qui se dégage du colosse, impression encore accentuée par le corps « nu » ou vêtu d'un vêtement en forme de gaine tels que pouvaient les porter les colosses osiriens (Saleh, Sourouzian 1986, n° 160). L'existence de colosses « osiriens », portant la couronne blanche ou la couronne rouge et revêtus de gaines, dans le temple d'Aton à Amarna est attestée par plusieurs reliefs de tombes privées amarniennes (Spieser 2001a). Ces colosses formaient, suivant une tradition poursuivie jusqu'à l'époque ramesside, de véritables rébus de pierre 24. Le corps féminin, inspiré de celui de Néfertiti, a pu constituer un élément parmi d'autres pour former un discours théologique à deux niveaux : les éléments empruntés au répertoire divin choisi par Akhénaton sont intégrés dans la personnalité du roi ; d'autre part, ils reflètent aussi la personnalité conférée au dieu Aton par le souverain, une personnalité double qui réunit les principes mâle et femelle créateurs de la vie 25.

13Ces formes féminisées des colosses du Gem-pa-Aton furent plus d'une fois imputées au syndrome de Fröhlich 26, mais cette hypothèse ne peut être soutenue car cette maladie est liée à des troubles hypothalamo- hypophysaires et s'accompagne d'un hypogénitalisme peu compatible avec la descendance attestée d'Akhénaton. Les raisons idéologiques évoquées suffisent à expliquer ces formes.

14Considérons maintenant les statues qui semblent donner une image plus réaliste du roi, c'est-à-dire celles de la deuxième phase, plus tardives donc que les colosses. Ces statues montrent que, a contrario les colosses du Gem-pa-Aton ont des traits si exagérés qu'il est difficile, voire impossible, de s'appuyer sur eux pour une réflexion sur l'aspect physique du roi.

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Fig. 3 - Statue Musée du Louvre N 831, calcaire jaune, figurant Akhénaton (d'après Freed et al. 1999, p. 230, n° 85).

Fig. 3—Statue representing Akhenaten, yellow limestone, Louvre Museum, N 831 (from Freed et al. 1999, p. 230, no.85).

15Les statues Paris, Louvre N 831 (fig. 3) et Caire, JE 43580 (fig. 4) montrent une anatomie d'ensemble tout à fait « normale ». Les formes du corps du roi y présentent sans doute une très légère féminisation comme Robins l'a mis en évidence (Robins 1993). Les seuls détails prêtant à questionnement sont la mandibule de forme étroite et allongée, la poitrine légèrement proéminente, et détail nouveau, des épaules étroites tombantes et des bras plutôt fins, dont la musculature semble réduite. Or, les colosses du Gem-pa-Aton ont des épaules nettement plus larges, mais déjà tombantes. La largeur variable des épaules de ces statues (fig. 3, 4) ou encore celle des colosses ne peut pas correspondre à la réalité. Alors que la deuxième phase montre des formes moins caricaturales que celles de la première période, comment expliquer que l'étroitesse des épaules du roi soit accentuée ? Les bras de diverses statues des époques précédentes et en particulier celles d'Amenhotep III, figurant des personnages masculins, fussent-ils des rois, des dieux ou encore des fonctionnaires, sont d'une manière générale nettement plus épais ; l'articulation est marquée au niveau des épaules et la musculature peut être légèrement indiquée 27. Rien de tel chez Akhénaton. Les bras et épaules de ces statues (fig. 3 et 4) correspondent-ils à une certaine réalité physique du roi ? Du point de vue médical, les bras considérés tels quels illustreraient assez bien une hyper- laxité ligamentaire qui peut être accompagnée d'une certaine atrophie musculaire 28.

16Mais il se pourrait également que le roi ait voulu manifester ainsi un dédain forcé et/ou volontaire de sa force physique, ce qu'on pourait mettre en relation avec l'idée de parité avec l'épouse royale telle que nous la constations déjà dans les monuments de la première phase. Cette idée serait compatible avec la nature non guerrière prêtée parfois à ce pharaon, ainsi qu'avec sa propension à se consacrer à des programmes de constructions répondant à ses aspirations réformatrices et, sans doute, à se pencher sur les papyrus pour l'élaboration de sa doctrine, ce qui lui avait permis d'être l'auteur direct ou indirect des deux versions du fameux hymne à Aton, fruits de ses réflexions théologiques 29.

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Fig. 4 - Statue Musée du Caire JE 43580, figurant Akhénaton, calcaire peint (d'après Saleh, Sourouzian 1986, n° 160)

Fig. 4—Statue representing Akhenaten, painted limestone, Museum of Cairo, JE 43580 (from Saleh, Sourouzian 1986, no.160)

17Rien n'aurait toutefois empêché Akhénaton, s'il l'avait voulu, de se faire représenter avec une belle musculature, tout comme il avait choisi librement d'exagérer ses traits dans les reliefs et statues de Karnak. L'utilisation parcimonieuse du fameux motif du « massacre des ennemis » et de celui du séma-taoui, délibérément placés à l'arrière plan durant son règne, va dans un sens comparable, qui est celui d'exprimer l'idéologie prônée par le roi 30.

AKHÉNATON ET L'HYPOTHÈSE DE LA MALADIE DE MARFAN

18Il a été suggéré que les traits accentués du roi pouvaient faire penser au syndrome de Marfan, une maladie héréditaire dominante liée au chromosome 15, qui entraîne des altérations de la fibrilline, un composant extracellulaire très répandu dans l'organisme (Burridge 1993) 31. La personne atteinte présente différents symptômes qui ne sont pas forcément tous systémati- quement développés. Cette maladie n'affecte en aucun cas les capacités intellectuelles. Caractéristiques de ce syndrome seraient, pour Akhénaton, la mandibule étroite et saillante, les mains arachnéennes (arachnodactylie) dues à une hyperlaxité ligamentaire, et le ventre relâché. Parmi les autres symptômes de la maladie figurent : la maigreur, l'allongement des côtes, le palais ogival, la myopie, la scoliose ou d'autres problèmes du squelette (os longs et minces). À cela s'ajoutent encore des problèmes au niveau du système cardio-vasculaire, causant généralement la mort des sujets atteints 32.

19La dolichocéphalie, ou forme allongée de la boîte crânienne, est souvent associée au syndrome de Marfan. Mais elle est loin d'être spécifique et elle est notamment fréquente dans de nombreux types ethniques. Elle ne doit donc plus être considérée comme un critère important de diagnostic et, comme nous le verrons, nous ne pouvons rien affirmer de certain sur la forme du crâne d'Akhénaton 33.

20L'hypothèse qu'Akhénaton ait pu souffrir d'un tel syndrome est possible, mais étant donné le caractère particulier de l'art amarnien, elle reste entièrement à démontrer. À moins d'une preuve matérielle, en l'occurrence, des restes humains des membres de la famille royale amarnienne, une réponse définitive ne saurait être véritablement apportée à cette question.

LES MAINS D'AKHÉNATON

21Les mains sont généralement figurées dans la peinture égyptienne de manière assez peu naturelle : des doigts mous, paraissant dépourvus d'os, forment des lignes courbes qui se terminent par des ongles aux extrémités recourbées (Sourdive 1984) 34. Une constatation identique vaut pour les reliefs, y compris à l'époque d'Amarna, où les doigts sont très courbes, même si dans certains exemples isolés le volume est plus accentué 35. Dans la statuaire, les doigts ont des articulations peu ou pas marquées 36. Ce n'est qu'à partir de la seconde phase de l'art d'Amenhotep III, dite naturaliste, qu'apparaissent des monuments montrant, tout en finesse, l'articulation des doigts du roi (Johnson 1990 : 29). Les doigts longilignes aux extrémités parfois élargies et très recourbées semblent être caractéristiques de la main d'Akhénaton (fig. 5, 6), si bien qu'un fragment de relief comportant uniquement ce type de main est immédiatement reconnaissable. La même remarque vaut pour les sculptures représentant Akhénaton : les mains du roi ont des proportions particulières qui ont sans doute fait partie des artifices développés durant cette période pour donner au souverain une apparence plus expressive 37.

22Cependant, dans certains reliefs (voir fig. 5, 6), les doigts du roi, même si on tient compte de cette exagération, pourraient cependant se prêter à un commentaire supplémentaire. En effet, dans la figure 5, la main du roi est censée pointer l'index 38. Les doigts ne sont pas étendus de manière rectiligne, comme on s'y attendrait, mais demeurent très marqués au niveau des articulations. Il se trouve que les personnes atteintes d'hyperlaxité ligamentaire, une affection relativement banale et pouvant être héréditaire, éprouvent des difficultés pour tendre leurs doigts à plat : l'étirement des ligaments empêche la perfection du geste. Cette affection entraîne un aspect allongé des phalanges qui donne aux gestes une allure particulière (fig. 6): lorsque les doigts sont fortement fléchis, ils dépassent de la paume de manière caractéristique. Comme ces considérations ne reposent pas uniquement sur l'aspect physique des mains du roi, mais encore sur sa gestuelle, il paraît possible de penser qu'Akhénaton ait pu souffrir d'une telle affection qui se manifeste autant de manière isolée que dans le cadre de la symptomatologie du syndrome de Marfan 39.

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Fig. 5 - Relief avec la main d'Akhénaton pointant l'index. Provenance : Amarna/Hermopolis (MMA 1985.328.1) (d'après Möller, Roeder 1965, fig. 18, cat. 27).

Fig. 5—Relief with the hand of Akhenaten pointing the index finger. Provenance: Amarna/Hermopolis (MMA 1985.328.1) (from Möller, Roeder 1965, fig. 18, cat. 27).

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Fig. 6 - Talatate, collection Schimmel NSC105– New York. Les mains arachnéennes et les pouces allongés sont caractéristiques du roi (d'après Möller, Roeder 1965, fig. 17, cat. 28).

Fig. 6—The spidery hands and elongated thumbs are characteristic of the king. Talatate, Schimmel collection, NSC105-New York (from Möller, Roeder 1965, fig. 17, cat. 28).

LA TÊTE D'AKHÉNATON

23On a voulu aussi tirer des arguments du fait qu'Akhénaton aurait eu un crâne allongé, mais il n'en existe aucune preuve. Force est de constater que le roi n'est jamais figuré la tête nue, ce qui n'empêche pas certains auteurs de parler de son crâne allongé ! (Daglio 1998 : 100). Il est systématiquement représenté coiffé de son khépresh ou encore d'autres couronnes telles la couronne blanche ou encore le simple khayt. Les plâtres ne nous sont d'aucun secours puisqu'ils s'arrêtent au niveau du front. Seules les têtes sculptées des princesses font penser à une telle disposition congénitale qui aurait pu leur être transmise par le souverain 40. Certes, la reine Néfertiti est souvent figurée coiffée d'une couronne qui, comme le mortier du célèbre buste de Berlin, n'a pas de précédent 41. Elle semble correspondre à une version féminine du fameux khépresh masculin 42, et présente une forme oblongue rappelant celle des crânes allongés des princesses. Mais, que la reine ait porté la version féminine d'un khépresh n'a rien d'étonnant si l'on tient compte de l'esprit de parité du couple royal, mis en avant durant l'époque d'Amarna et qui est lourd de sens politico- religieux.

LES TÊTES SCULPTÉES DES PRINCESSES : DES FORMES NON NATURELLES

24Les crânes volumineux que présentent les têtes sculptées des princesses ont laissé penser qu'elles ont pu souffrir d'hydrocéphalie (fig. 7, 8, 9) 43. Une telle hypothèse ferait des princesses des personnes atteintes de déficience mentale, qui accompagne ordinairement l'hydrocéphalie congénitale. On a aussi voulu faire intervenir le syndrome de Marfan, héréditaire, qui aurait pu contribuer à la forme allongée des crânes des princesses. Mais l'aspect étonnamment allongé des sculptures ne peut s'expliquer uniquement par un effet de cette maladie, ni par un type ethnique dolichocéphale dont les formes naturelles sont beaucoup moins accentuées 44.

25Gerhardt, un anthropologue, soutenait, en 1967, que les têtes sculptées des princesses représentent un « type familial naturel » (Gerhardt 1967 : 50-62). Il s'opposait ainsi à l'hypothèse d'une déformation artificielle des crânes. Selon lui, l'idée que les crânes dolichocéphales donnent une impression de déformation tient de l'autosuggestion ; d'autre part il fait remarquer qu'un crâne allongé devient plus étroit et présente donc une forme différente de celle constatée dans les sculptures. Ces formes ne seraient ni d'origine pathologique, ni le résultat d'un quelconque style artistique (Gerhardt 1967 : 61). Gerhardt refusait ainsi toutes les hypothèses émises avant lui, ce qui ne l'empêchait pas de conclure – en se contredisant –, en dernière page de son article, que le style amarnien a servi la représentation royale des crânes allongés, mais qu'il s'agit aussi « d'anatomie de race » décrivant un type naturel 45.

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Fig. 7 - Tête de princesse en quartzite brun-rouge. Musée de Berlin, n° d'inventaire 21.233 (d'après Arnold, 1996, fig. 47).

Fig. 7—Head of a princess in reddish-brown quartzite. Museum of Berlin, inventory no.21.233 (from Arnold 1966, fig. 47).

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Fig. 8 - Tête de princesse en calcaire peint. Musée de Berlin, n° d'inventaire 14.113 (d'après Bille-De-Mot 1965, fig. 69).

Fig. 8—Head of a princess in painted limestone. Museum of Berlin, inventory no.14.113 (from Bille-De-Mot 1965, fig. 69).

26Il reste qu'il paraît difficile d'admettre qu'un sculpteur, aussi doué soit-il, aurait pu totalement inventer un crâne présentant un tel aspect, même en exagérant ses traits : le profil des crânes, l'agencement de ses os, présentent une anatomie trop exacte, ce qui réfute au moins l'idée que ces sculptures seraient un « pur produit artistique » 46. Mais il a également été proposé d'expliquer l'aspect des sculptures de têtes de princesses par la pratique de déformation par bandage du crâne (Tefnin 1986 et note additionnelle du Dr. Leguebe ; Filer 1995 : 91-93). Malgré certaines difficultés que pose cette hypothèse sur les plans historique et matériel, il convient de l'examiner.

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Fig. 9 - Vue de profil de têtes sculptées figurant des princesses amarniennes. Musée du Caire, JE 44870, JE 44869 (photo J.M. Spieser).

Fig. 9—Profile view of sculptured heads representing Amarnian princesses. Museum of Cairo, JE 44870, JE 44869 (photo J.M. Spieser).

LA PRATIQUE DU BANDAGE DE CRÂNE

27La pratique du bandage du crâne était largement répandue dans le monde depuis des époques très anciennes. L'un des premiers témoignages est celui d'Hippocrate qui mentionne les « macrocéphales » (longues têtes) dans « Airs, eaux, lieux », en les situant dans le nord de l'Asie Mineure, près de Trébizonde dans la région du Pont Euxin 47. Mais le bandage du crâne est attesté un peu partout à travers le monde 48. Cette pratique a donné lieu à un ensemble de théories diffusionnistes qu'aucune preuve ne vient étayer ; les différences dans les méthodes employées montrent que la question de la « diffusion » est difficile à cerner et sans doute, inutile (Seitz 1974). La pratique de l'allongement par modelage du crâne était répandue aux VIII e -VII e millénaire en Éthiopie, aux VII e -VI e millénaire en Jordanie, aux VI e -Ve à Chypre, dès le Chalcolithique au Liban (Byblos), puis à partir du II e millénaire en Asie mineure, et plus tard en Syrie (fig. 10, 11) 49. Les motivations peuvent être propres à chaque cas et pas nécessairement liées entre elles. Proche de l'Égypte, l'Ethiopie est considérée comme l'endroit le plus ancien où l'on a trouvé trace de cette pratique dès les 7e -8e millénaires (Kiszely 1978). En fait, l'Afrique est véritablement constellée de « lieux d'attestation » de cette pratique (Lagercrantz 1941). Pour ce qui est de l'Asie Mineure, les sources ne manquent pas : comme indiqué plus haut, durant la 2e moitié du IVe millénaire, à Byblos (Liban) et à Seyh Höyük (Turquie), et surtout en Crète et à Chypre au Néolithique et à l'âge du Bronze 50. Aucun crâne déformé n'atteste de la pratique de déformation chez les Hittites, bien qu'il existe des témoignages artistiques tendant à laisser penser le contraire (Dingwall 1931 : 81-86). À Smyrne, comme en Palestine, des portraits figurant la tête montrent des allongements fortement exagérés. L'art chaldéen montre le même genre de têtes allongées. Si ces témoignages demeurent plus suggestifs que porteurs de certitude, en revanche des crânes déformés ont été découverts dans des cimetières phéniciens dans les régions de Tyr et de Sidon, à une époque où les archéologues leur prêtaient malheu- reusement peu d'intérêt 51. Le Mitanni, une civilisation originaire de la région caspienne (Mayani 1956 : 129-148), avait peut-être lui aussi perpétué cette tradition qui était répandue à travers le Caucase, la mer Noire et l'Europe de l'est (Kiszely 1978).

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Fig. 10 - Les deux types de déformation artificielles du crâne (d'après Özbek 1974b, fig. 2).

Fig. 10—The two types of artificial deformation of the skull (from Özbek 1974b, fig. 2).

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Fig. 11 - Dessins d'après des crânes retrouvés dans la nécropole de Byblos (d'après Özbek 1974, fig. 1).

Fig. 11—Drawings of skulls discovered in the necropolis at Byblos (from Özbek 1974, fig. 1).

MÉTHODES D'ALLONGEMENT DU CRÂNE

28Il existe plusieurs techniques d'allongement du crâne par bandage. D'après les spécialistes, celle qui fut largement employée à Chypre n'est pas la même que celle utilisée à Seyh Höyük et à Byblos. Pour ces derniers, la population relève d'une même ethnie et d'une même période ; un même type de déformation artificielle était obtenu soit par deux bandes croisées réalisant une concavité en région frontale, soit par un seul bandeau large reliant la zone frontale à la zone occipitale et ne concernait que les femmes et enfants de sexe féminin (fig. 10, 11).52 En Afrique, jusqu'au début du XXe s., ce sont de très larges serres-têtes formés de nombreuses bandelettes qui enserrent l'ensemble des zones frontales et occipitales (Birnbaum 1939 ; Lagercrantz 1941).

29Par contre, aucun crâne retrouvé n'atteste de la présence de cette pratique en Égypte ancienne. Les anthropologues qui pensent reconnaître la trace d'une pratique de déformation crânienne dans les têtes de princesses amarniennes essaient de résoudre cette contradiction en posant la question d'une origine étrangère de Néfertiti pour expliquer son émergence 53. La clarté du teint de la reine, les traits de son visage et son nom « La belle est venue » ont suscité beaucoup d'interrogations qui demeurent jusqu'ici sans réponse. Mais les liens de parenté de Néfertiti – sa soeur Moutnedjmet, son père probablement Ay et sa nourrice Tiy– laissent penser que la reine ne serait pas venue d'une contrée étrangère comme semblait le suggérer son nom et son aspect physique, mais serait une Égyptienne ayant grandi dans le pays (N. Reeves 2001 : 87-89). Cependant, l'origine de la mère de Néfertiti reste inconnue et peut-être est-ce là l'élément qui pourrait expliquer la présence éventuelle d'une pratique étrangère à la tradition égyptienne.

LES MARQUES DE BANDAGE STYLISÉES DES STATUES DES PRINCESSES

30Dans la région occipitale des têtes sculptées des princesses, nous pouvons observer une dépression naturelle qui prend une très large dimension correspondant de manière exacte à la zone généralement marquée par les bandelettes lorsqu'il y a pratique d'allongement 54. Ce détail avait d'ailleurs été relevé par Gerhardt qui considère que cela ne fait qu'induire l'observateur en erreur, invoquant l'idée que la dépression occipitale est surtout un fait de perspective, qu'elle est rendue tout en douceur et donc sans référence à la réalité physique attendue en cas de déformation artificielle 55. Mais il se trouve que les crânes déformés présentent eux aussi une dépression occipitale large aux contours arrondis (fig. 11).

31Un exemple de comparaison est fourni par les petits enfants de la tribu des Mangbetus (Congo) (fig. 12). Les membres de cette ethnie recouraient, jusque dans la première moitié du XXe s., à la déformation crânienne comme signe distinctif d'appartenance à leur culture. Le crâne de cette petite fille – comme celui de nombreux autres membres de cette ethnie – présente une dépression au même endroit du crâne que les têtes sculptées des princesses, une marque occipitale large très semblable, à ceci près que les statues n'ont pas de traces de striures et présentent une sorte de bandeau en creux, qui pourrait s'interpréter comme une transposition stylisée des marques laissées par les bandelettes, ou comme le résultat d'une méthode légèrement différente employée pour le bandelettage.

32Si, comme déjà signalé, les profils des têtes sculptées des princesses présentent une anatomie trop précise pour être une totale invention de sculpteur, en revanche la largeur des crânes ne correspond pas à une réalité physique. En effet, comme indiqué plus haut, un bandage de crâne entraîne inévitablement une étroitesse de la voûte crânienne. Et c'est sans doute à ce niveau que le sculpteur serait intervenu, estimant l'étroitesse des crânes inesthétique, il aurait rectifié les proportions en élargissant les crânes dans ses sculptures. Ces statues sont probablement une synthèse mêlant invention et observation. Leurs proportions découleraient d'une part de l'observation d'un modèle vivant ayant peut-être eu le crâne déformé par un procédé du type bandages, ce qui expliquerait le réalisme dans l'agencement des os, et d'autre part par les modifications dues au sculpteur au niveau de la largeur des crânes. L'ensemble, comme toute sculpture de cette époque, résulte donc d'un compromis entre observation et stylisation.

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Fig. 12 - Petite-fille Mangbetu (ancien Congo belge) au crâne allongé vu de profil (d'après Zagourski 2001, n° 1.63). L'allongement du crâne commence au-dessus des oreilles, dans la région occipitale, ce qui correspond à l'endroit où étaient placées les bandelettes. Cette même marque se retrouve sur les statues de princesses amarniennes.

Fig. 12—Mangbetu little girl (old Belgian Congo) with elongated skull seen in profile (from Zagourski 2001, no.1.63). The elongation of the skull begins above the ears, in the occipital area, and corresponds to the spot where the bands were placed. This same mark is found on the statues of the Amarnian princesses.

TOUTANKHAMON ET SMENKHKARÉ

33Sans vouloir aborder ici les questions de liens de parenté de Toutankhamon et de Smenkhkaré – à partir des restes humains trouvés dans la tombe 55 – avec la famille royale amarnienne, quelques remarques concernant leurs dépouilles, les seules dont nous disposons pour cette période, peuvent contribuer aux questions examinées ici 56.

34Toutankhamon et Smenkhkaré ont chacun un crâne de type brachycéphale, et non pas dolichocéphale 57. La confusion avec le type dolichocéphale tient sans doute au fait que les crânes présentent une voûte relativement plate. Leur largeur nous interdit cependant de les classer parmi les dolichocéphales.

35Aucun élément ne permet d'attribuer le syndrome de Marfan à Toutankhamon ou encore à Smenkhkaré 58. Que ceux-ci aient pu être figurés avec une canne ne constitue pas un élément suffisant pour émettre une telle hypothèse (Burridge 1993). Les examens de la momie de Toutankhamon n'ont révélé aucune pathologie particulière, et ceux du crâne de Smenkhkaré, très semblable à celui de Toutankhamon, ont permis de constater un palais large, alors que celui-ci aurait été plutôt de forme ogivale dans le cas d'une pathologie du type Marfan 59.

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Fig. 13 - Tête de jeune roi émergeant d'un lotus, provenant de la tombe de Toutankhamon. Musée du Caire, JE 60723 (d'après Yoyotte 1992, p. 2).

Fig. 13—Head of young king emerging from a lotus, from the tomb of Tutankhamen. Museum of Cairo, JE 60723 (from Yoyotte 1992, p. 2).

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Fig. 14 - Radiographie du crâne de Toutankhamon (d'après Leek 1972, pl. XXI).

Fig. 14—X-ray of the skull of Tutankhamen (after Leek 1972, pl. XXI).

36Restent les questions que pose la statue si connue de la tête de Toutankhamon sortant d'une fleur de lotus (fig. 13) 60. Celle-ci présente en effet une forme allongée différente des têtes sculptées des princesses : une dépression frontale (bregma) plus marquée et un occiput moins proéminent. Mais surtout, comment expliquer que la momie de Toutankhamon n'ait pas de crâne allongé (fig. 14), alors que la statue (fig. 13) lui prête un tel crâne ? Généralement, c'est cette différence entre la statue et la momie de Toutankhamon qui est utilisée comme argument pour écarter l'hypothèse de la déformation crânienne durant Amarna. Cette argumentation contredirait l'analyse que nous avons faite des portraits des princesses.

37D'après les fouilles de nécropoles où de nombreux individus de tout âge ont été découverts avec le crâne artificiellement déformé, il semblerait que cette pratique nécessite un bandage à long terme allant de la petite enfance et s'arrêtant juste avant l'adolescence (Özbek 1974b). Selon Özbek, les différents degrés d'intensité de la déformation dépendent de la durée d'application des bandes et sans doute aussi de la réaction du tissu osseux à la pression, qui n'est pas nécessairement la même chez tous les individus (Özbek 1974b). Le résultat plus ou moins spectaculaire de la pratique du bandage de crâne dépend également du volume individuel du crâne tel qu'il est défini par son type constitutionnel.

38Ces remarques pourraient, en tout cas, éclairer l'aspect des têtes sculptées des princesses : leurs profils ne sont jamais exactement les mêmes. Contrairement à ce que nous devrions trouver en cas de déformation crânienne purement artistique, le sculpteur n'a pas reporté sur ses statues de princesses « un modèle fictif » uniforme d'allongement du crâne (fig. 7, 8, 9). Les différences que nous constatons d'une tête à l'autre peuvent avoir leur origine dans le modèle vivant lui-même, d'autant plus que les variations de volume que décrivent les sculptures trouvent des parallèles parmi les exemples de crânes déformés que nous trouvons dans d'autres civilisations.

39On pourrait ainsi supposer que Toutankhamon, durant ses premières années, eut un crâne bandé, mais que ce bandage ne fut pas prolongé sur une durée de temps suffisante pour déformer sa tête de manière définitive. Le jeune roi aurait abandonné ses bandelettes au moment de son accès au trône, vers neuf ans, après la mort de Smenkhkarê (Vernus, Yoyotte 1996 : 175-176). En grandissant, le crâne de Toutankhamon aurait repris son aspect naturel, mais serait éventuellement resté plus plat que les crânes brachycéphales ordinaires, d'où les innombrables confusions typologiques qui s'en sont suivies 61.

CONCLUSION

40Bien qu'un certain nombre d'éléments échappent à l'analyse, il semble que l'on puisse proposer des conclusions à plusieurs niveaux. Certes l'aspect physique du roi coïncide avec certains symptômes de la maladie de Marfan. Mais affirmer que le roi ait souffert d'une telle affection se ferait au détriment de nos connaissances de l'art amarnien qui s'est attaché à accentuer l'art naturaliste déjà développé durant le règne d'Amenhotep III et qui, dès ce moment, présentait déjà des similitudes pour bon nombre de détails relevés comme « typiques de la maladie de Marfan ». Il nous est donc difficile de soutenir cette hypothèse médicale qu'aucune preuve matérielle ne vient étayer. Cependant, il est possible, en se fondant sur des reliefs associant des détails physiques à des gestes, qu'Akhénaton ait été atteint d'hyperlaxité ligamentaire, soit une affection banale, qui appartient à la symptomatologie de la maladie de Marfan, mais qui existe aussi de manière isolée. Une partie de ces caractéristiques ont aussi été étendues à la représentation des sujets du roi.

41Quant aux crânes allongés des têtes sculptées de princesses, ils ne peuvent pas être complètement le produit d'un sculpteur doué d'une forte imagination : le réalisme dans les proportions anatomiques, notamment au niveau du profil, ne peut que résulter d'observations directes et pourrait s'expliquer par une pratique du bandage de crâne. Les parties allongées des têtes des princesses présentent des volumes et formes qui varient d'une figure à l'autre, qui laissent aussi penser que le sculpteur n'a pas reproduit un même modèle qui serait propre à une convention artistique, et qu'il se serait conformé à un certain degré de réalité de l'individu représenté. Des variations comparables de forme se rencontrent parmi les crânes modelés retrouvés dans d'anciennes nécropoles et parmi les témoignages ethnographiques. Cependant, la largeur des têtes, qui dans notre hypothèse, ne peut pas correspondre à une réalité, a probablement été accentuée par le sculpteur qui en a augmenté la dimension pour des raisons esthétiques. Cependant, aucune preuve matérielle n'existe pour corroborer l'hypothèse d'une pratique de bandage de crâne durant l'époque amarnienne. Ces têtes allongées sculptées sont la synthèse artistique d'un mélange de stylisation et d'observation de la réalité.

42Une explication théologique justifie la déformation crânienne, qu'elle fût une convention artistique ou le résultat d'une pratique modifiant l'image du corps : la statue de la tête de Toutankhamon évoque la naissance quotidienne du jeune enfant-dieu solaire. L'allongement de son crâne – et celui des princesses – semble exprimer l'idée même de cette recréation perpétuelle et quotidienne dont les hymnes à Aton se font l'écho. Les crânes des nouveau-nés présentent souvent une forme allongée dans les premières heures qui suivent la naissance. Cette forme du crâne a non seulement pu caractériser l'aspect physique des enfants de la cour royale amarnienne, mais elle a également pu être utilisée comme convention artistique pour la représentation d'autres personnages, rappelant que l'ensemble de l'humanité était créée quotidiennement par Aton.

43Akhénaton ne se serait donc pas contenté de dicter ses directives artistiques aux sculpteurs, mais il aurait voulu exprimer également de manière physiquement marquée chez les princesses un aspect de sa doctrine, en l'occurence sa croyance en la renaissance quotidienne suivant le modèle du dieu solaire. En l'absence de données objectives sur son aspect physique réel, nous ne pouvons affirmer si celui-ci a joué un rôle déterminant dans cette élaboration, comme nous échappe l'éventuelle inspiration d'une pratique de bandage du crâne sur les enfants royaux, dont l'utilisation n'est pas attestée par ailleurs en Égypte ancienne. La tête allongée faisait partie de tout un ensemble de signes distinctifs qui caractérisaient les fidèles d'Aton et qui rappelaient l'idée de la renaissance solaire quotidienne. Mais quelles qu'aient pu être les causes ponctuelles, l'essentiel est que conventions de représentations et pratiques anthropo- logiques aient été intégrées d'une part dans une évolution stylistique dont l'origine nous apparaît, et d'autre part dans un système de significations théologiques.

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Note de fin

1 Donadoni (1993 : 67), buste d'Ankh-kaf (Boston, Museum of Fine Arts, n° 27.442).
2 À l'époque memphite, la caractérisation liée à l'observation de la réalité devient plus ponctuelle. Le corps et la tête suivent souvent des règles canoniques (Donadoni 1993 : 99-111).
3 Donadoni (1993 : 68), Hildesheim, Pelizaeus museum n° 1962 (Hémiounou) ; Saleh, Sourouzian (1986), n° 40, CG 34, (sheik el-Beled) ; Donadoni (1993 : 93), fig. 2 : relief montrant un homme grassouillet et atteint de calvitie, provenant du mastaba de Ti ; voir aussi n. 2.
4 La plus importante étude sur ce thème a été réalisée par Dasen (1993) : typologie des grands types de nanisme p. 14-15, catalogue couvrant toute la période égyptienne ancienne et tardive, pl. I-37. L'ouvrage traite la partie médicale, iconographique et le statut mythologique du nanisme à travers une étude des divinités figurées comme nains, entre autres Bès, Ptah-patèque.
5 Comme le montrent les statues d'Amenophis fils de Hapou (Saleh, Sourouzian, op. cit., n° 148, 149) : la vieillesse et le caractère grassouillet du personnage se distinguent dans les traits du visage et du corps ; voir aussi n° 246. Voir aussi les exemples donnés par C. Reeves (2001 : 35-37), fig. 25, 27 (reliefs du Moyen Empire montrant un homme obèse et un homme âgé). Pour la durée moyenne de vie des Égyptiens des époques anciennes et tardives, voir Dunand, Lichtenberg (1998 : 218, passim).
6 On peut ajouter le célèbre exemple de la reine du Pount atteinte d'une pathologie particulière, cf. fig. 13, p. 83.
7 P. 45, fig. 42 (relief de la 18e dynastie, d'un homme figuré avec une béquille, ayant eu la poliomyélite et dont la jambe est déformée), p. 32, fig. 21 (statue d'homme bossu datant de l'Ancien Empire).
8 On compte deux styles différents pour les statues en quartzite, deux styles pour les statues en granodiorite et granit rose.
9 La 1re phase est typique des souverains Touthmosis III et IV.
10 Müller (1988 : 31-35) : Boston MFA 23.734 et MFA 1970.636, Londres BM 5 et BM 2275, Louxor J131, Caire CG 742, Caire JE 33900/01, New York MMA 22.5.1/2, Brooklyn 48.28, Hildesheim PM 53a, etc. ; Vandersleyen 1990 : 1.
11 Müller (1988 : 31-35) : traits spécifiques de Boston MFA 23.734, Londres BM 5, Louxor J131, Caire CG 742, New York MMA 22.5.1/2 ; Straus-Seeber (1990 : 13-14), fig. 13.
12 De plus, on constate une recherche de naturel dans la position donnée au corps et son ornementation, en rupture avec le mode traditionnel de représentation encore employé au début du règne d'Amenhotep III (« style 1re phase »).
13 Remarque paraissant judicieuse de l'auteur sur la base du rapport de G.E. Smith (1912 : 46-51). Le reste du corps est trop mal conservé pour formuler toute autre comparaison avec la statuaire du roi.
14 Pour les représentations amarniennes de la 2e phase, voir infra ; Caire JE 43580 ; Louvre, Paris N 831 ; Oxford AM 1924.162 ; Müller (1988 : 74, 78-79).
15 Par exemple les statues d'Amenhotep fils de Hapou.
16 Cf. infra. Certes, certains blocs des débuts du règne présentent encore un style « classique ». Nous nous concentrons ici sur les monuments qui laissent supposer un lien possible entre l'aspect physique du roi et ses représentations. Pour le style « expressionniste » se reporter à Corteggiani (1986 : 104-107) ; Hornung (1995 : 52-53) ; Spieser (2001a : 55-62).
17 Le visage de la reine a souvent été confondu avec celui du roi. Il se distingue cependant par la présence des deux uraei traditionnels au niveau de la coiffure de la reine. À ce sujet, cf. n. 13. La parité du couple est nettement affirmée, entre autres choses, par la présence de la reine aux jubilés royaux, cf. Gohary (1992), pl. I, II et entre autres p. 32. Voir aussi Harris (1977 : 340-343), fig. 33-38 ; Spieser (2001b : 20-29).
18 La production de la 1re phase est constituée principalement par les monuments de Karnak et les stèles frontières datant de l'an 6 du règne (Müller 1988 : 66-73).
19 Cf. supra.
20 Müller (1988 : 75-76), exemple parallèle, BM 935.
21 Leblanc (1980 : 69-89) les qualifie de colosses « nus » ou gainés, cf. ibid. ; interprétés comme représentations de Néfertiti : Freed et al. 1999, pages d'introduction ; repris de Aldred (1997), pages centrales d'illustrations, fig. 33-35 ; repris par Reeves (2001 : 165).
22 À ce sujet, Robins (1993 : 29-38) ; Spieser (2001a : 55-64)
23 Hatchepsout en portait une, mais elle était seule régnante. Certes, on pourrait arguer de la parité du couple, mais Néfertiti est figurée en femme même dans les scènes de massacre des ennemis. Elle est également, dans la plupart des représentations, figurée de taille réduite par rapport à Akhénaton.
24 Habachi (1969) : la vénération de colosses royaux est attestée dès Amenhotep III ; Spieser (2000 : 153).
25 Spieser (2001a) ; pour des remarques allant dans le même sens : Montserrat (2000 : 48).
26 Pour le débat relatif au syndrome de Fröhlich : Filer (1995 : 31-36), réfute l'hypothèse de ce syndrome et y voit essentiellement l'expression religieuse du roi à travers les représentations artistiques ; hypothèse également mise en doute, sans proposer de solution de remplacement par Nunn (1996 : 83-84) ; peut-être un syndrome hypothalamo-hypophysaire complexe : Leca (1988 : 269-274) ; idem pour Daglio (1998 : 100) ; Hyperpituitarisme eunuchoidisme pour Ghaliounghi (1947).
27 Comparer avec la statue en pied d'Amenhotep II, Caire JE 35680, (Saleh, Sourouzian 1986, n° 139) ; voir également celle de Sennefer (Saleh, Sourouzian 1986, n° 140) ; voir la statue colossale de Toutankhamon (Saleh, Sourouzian 1989, n° 173) ; voir celle d'Amon protégeant Toutankhamon, Louvre E 11609 (Andreu et al. 1997 : 130-131, n° 58).
28 Voir infra.
29 En raison de son activité incontestable, on ne saurait attribuer à Akhénaton un syndrome de dystrophie myotonique de Steinert, comme l'ont fait Cattaino et Vicario (1999). Même si d'un point de vue physique (gynécomastie, problèmes de squelette, hypotrophie musculaire) elle peut faire penser aux colosses sculptés du roi, cette maladie s'accompagne d'une réduction de l'activité intellectuelle et de l'initiative, d'une apathie et d'un comportement psychopathique.
30 Le motif apparaît comme un ornement de navire et c'est, de plus, la reine qui occupe le rôle du pharaon ; elle est figurée vêtue d'une robe, portant sa coiffe à hautes plumes droites typiques des couronnes de reines : Freed et al. (1999), n° catalogue 110 ; Redford (1975 : 9-14), pl. V, fig. b. À propos du séma-taoui comme symbole de l'union des deux terres devenu quasiment incompatible avec la nouvelle doctrine d'Akhénaton et qui fut peu utilisé : Hornung (1971 : 74-78).
31 Chaque sujet atteint développe à sa manière, un certain nombre de symptômes. À ce sujet, voir les réflexions de Montserrat (2000 : 47-48) : la tendance actuelle est de penser que l'aspect d'Akhénaton est d'abord le résultat de sa réforme artistique.
32 Pour le détail révisé des différents symptômes de la maladie de Marfan : de Paepe et al. (1996 : 417-426).
33 À éliminer également de la liste des symptômes majeurs de la maladie de Marfan : le prognathisme et l'exophtalmie. Pour une liste mise à jour des critères de la maladie : de Paepe et al. (1996).
34 L'ouvrage montre de nombreux exemples de mains dans l'art égyptien, mais ne fait pas d'étude stylistique ; se reporter aux exemples dans Mekhitarian (1978) et Martin (1991), tombe de Maya et tombe d'Horemheb, passim.
35 Martin (1991), tombe d'Horemheb : doigts mous : p. 55, 61, 71, 74, 75, 76 etc., tombe de Maya : p. 157, 158, 165, 171, etc.
36 Voir par exemple les statues d'Amenhotep fils de Hapou, supra, ou encore celles des statues Caire JE 87911 (Kkaemwase et Manana) de l'époque d'Amenhotep III : Saleh, Sourouzian (1986), n° 152.
37 Les doigts sont figurés allongés dans Louvre Paris N 831 ; voir aussi les remarques sur les « proportions inhabituelles » des doigts des mains d'une statuette d'Akhénaton, de Doresse (1984-1985).
38 Freed et al. (1999 : 222), n° 58.
39 Voir supra.
40 Cf. infra.
41 Bille-de-Mot (1965), fig. 63 (entre autres exemples).
42 Davies (1982 : 75) : en vertu d'un statut spécial de la femme à l'époque amarnienne, Néfertiti ainsi que l'épouse de Toutankhamon portent le khépresh qui figurerait, outre le symbole du couronnement et l'idée de victoire, le caractère d'héritier du pharaon et qui, durant Amarna, est également alloué à l'épouse royale. Pour les deux uraei qui permettent de différencier Néfertiti du roi dans certains reliefs de style « caricaturé » : Werner (1979 : 324-331, et pl.) ; Pamminger (2000 : 155 sq.).
43 Filer (2000 : 36). Sur ce thème, voir l'étonnant et excellent article de Gélis (1984).
44 Cf. supra.
45 « In den Kunststil der Amarna Zeit ist viel mehr Anatomie der Rasse eingegangen, als mancher Kunstgelehrte wahrhaben möchte » (Gerhardt 1967 : 62). Plus récemment encore, un ethnologue a repris les mêmes hypothèses que Gerhardt, tombant dans les mêmes erreurs ; cependant, son article a le mérite de se concentrer sur les théories diffusionnistes et les raisons de l'existence de la pratique de déformation crânienne (Seitz 1974).
46 Pour l'allongement des crânes comme le résultat de conventions purement artistiques : Damiano (2001 : 213). Pour Gerhardt (1967), il n'y aurait ni maladie, ni pratique de déformation de ces crânes, mais ces statues décriraient un type naturel.
47 Hippocrate, Airs, Eaux, Lieux, t. 2, 2e partie, éd. J. Jouanna, Paris 1996, XIV.1-4, p. 224-5 et n. 1, 224, p. 304 : Hérodote et Strabon mentionnent également l'existence des « têtes allongées », dans la région du Caucase et du Danube. Cette pratique est largement attestée par les découvertes archéologiques dans le Caucase où elle est présente au moins à partir du IIe millénaire, cf. n. 53. Voir aussi Delisle (1902 : 26-35).
48 En Europe (un peu partout), Asie, Afrique, Indonésie, Mélanésie, Polynésie et Nouvelle Zélande, Océanie, au Mexique, en Amérique centrale, chez les Indiens d'Amérique du nord, en Amérique du sud, etc. : Dingwall (1931).
49 Pour un tour d'horizon géographique de cette pratique dans le monde : Dingwall (1931) ; Angel (1953) ; Özbek (1974a, 1974b) ; Gélis (1984) ; Buchet (1988) ; Domurad (1992 : 158, pl. XXIX).
50 Note 53.
51 Dingwall (1931 : 81-86) ; Lortet (1881 : 30-33).
52 Özbek (1974a, b) : à Chypre, hommes et femmes avaient le crâne déformé.
53 Les anthropologues se prononçant en faveur de l'hypothèse de la déformation crânienne sont majoritaires, bien qu'ils soient peu habitués à raisonner sur des statues : voir références en n. 51.
54 Les variations dans les pratiques, mentionnées plus haut, ne concernent que la région frontale.
55 Gerhardt (1967) : « (...) eine besondere Bildung im hinteren Profil der Plastik, welche gern als augenfälliges Zeichen einer künstlichen Verdrückung angeführt wird (...) es ist dies der'Profilknick'unter dem überfallenden Okziput zusammen mit der daran anschliessenden schrägen Profilbegradigung bis zur Nackenbeuge hinab. Hier wird die Irrtumsmöglichkeit der alleinigen Ausdeutung der Seitenansicht ganz offenbar, denn erstens ist der Knick auf der Photographie nur perspektivisch bedingt, in Wirklichkeit sind hier sanfte Übergänge gegeben » : une fois de plus, l'auteur ne considère pas les statues comme des objets mais raisonne trop par rapport aux exemples de la réalité.
56 Il faut néanmoins signaler quelques doutes apportés par de récentes investigations sur l'âge de l'individu retrouvé dans la tombe KV 55, jusqu'ici identifié comme étant plus vraisemblablement Smenkhkaré : la dernière autopsie des restes humains de la tombe 55 estime l'âge du mort à 20-25 ans (Filer 2000 ; Hussein, Harris 1988 ; Reeves 2001 : 83) ; sur la tombe 55 et son interprétation : Aldred (1997 : 197-213) avec bibliographie, Davis (1910 : 13-29 et pl. XXX) ; les canopes et le cercueil auraient appartenu à Kiya. Le cercueil a été modifié pour accueillir un personnage royal, ses inscriptions ont été modifiées mais n'ont pas reçu le nom du nouveau propriétaire à ce sujet : Engelbach (1931) ; Krauss (1986) ; Allen (1988).
57 Plusieurs sources, et des plus récentes, attribuent de manière erronée un crâne de type dolichocéphale à Toutankhamon ainsi qu'à Smenkhkaré. Cependant, déjà Harrisson, Abdalla (1972 : 10) avaient reconnu leur forme brachycéphale. Le crâne de Toutankhamon est qualifié de large et platycéphale par Leek (1972 : 14). Pour Smenkhkaré : cf. Harrison (1966 : 107) : un crâne long, large et haut.
58 Cf. supra.
59 Palais large également pour le crâne supposé appartenir à Smenkhkaré : Harrison (1966 : 106) ; Harrison, Abdalla (1972 : 10).
60 Caire n° JE 60723. La statue présente la tête du roi figuré comme un jeune enfant sortant d'un lotus. Le socle de la statue est peint en bleu et figure une étendue d'eau associée au ciel. Le lotus symbolise le point d'émergence du soleil à partir des eaux célestes. Cette représentation fait partie des nombreux moyens d'assurer une renaissance au roi associé au dieu solaire. Les Égyptiens anciens associaient souvent la tête humaine au soleil, notamment dans le cadre des appuis-tête qui devaient faciliter le réveil du dormeur. Cette association de la tête au soleil naissant d'un lotus a été exprimée postérieurement dans le Livre des Morts, chapitre 81A « Prendre l'aspect d'un lotus ». Le mort souhaite ainsi rejoindre le dieu solaire et l'accompagner dans son voyage céleste. La cosmogonie hermopolitaine de la création du monde à partir d'un lotus a repris cette thématique dont le précédent amarnien semble être le plus ancien connu. Voir Spieser (2001b : 20-29).
61 Pour la radiographie, Reeves (1995 : 118) ; pour une vue de profil de la tête de Toutankhamon sortant du lotus, Caire JE 60723 : C. Reeves (2001 : 48), fig. 47.
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Pour citer cet article

Référence électronique

C. Spieser et P. Sprumont, « La construction de l'image du corps de l'élite égyptienne à l'époque amarnienne », Bulletins et mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris [En ligne], 16 (3-4) | 2004, mis en ligne le 24 octobre 2008, Consulté le 26 décembre 2011. URL : http://bmsap.revues.org/3983

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Auteurs

C. Spieser

FNRS,7 rue de Zaehringen, 1700 Fribourg, Suisse, e-mail : cathie.spieser@bluewin.ch

P. Sprumont

Unité d'Anatomie, Département de Médecine, Université de Fribourg, Suisse, e-mail : pierre.sprumont@unifr.ch

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      Ethnologie ; anthropologie, Préhistoire et antiquité, Démographie, Anthropologie culturelle, Histoire des sciences, Préhistoire
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      Pierre Darlu
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      Société d'Anthropologie de Paris
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      0037-8984
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